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avec la petite propriété. Ce seul fait eût changé, à notre avis, tout le développement économique des Antilles. Il est à présumer que leur avenir et leur situation actuelle n’en eussent été que meilleurs.



V

Il paraît singulier aussi, au premier abord, qu’on ne se soit pas préoccupé davantage d’utiliser la population indigène des Caraïbes[1]. Peut-on croire que ce fût par un scrupule excessif de porter atteinte à leur liberté ? Déjà, au xvie siècle, cette question des indigènes avait été agitée à propos des colonies espagnoles. En 1525, une ordonnance de Ferdinand le Catholique avait déclaré esclaves tous les indigènes du Nouveau Monde[2]. Mais, en 1529, un Conseil ayant été tenu à Barcelone, le roi trouva bon d’approuver sa décision qui contenait, entre autres articles, la disposition suivante : « Il a paru à l’assemblée que le droit et la raison garantissent aux Indiens leur entière liberté[3]. » Une bulle du Pape Paul III, de 1531, reconnaît aussi que les Indiens sont libres et non esclaves[4]. Enfin, « le célèbre règlement de 1524, qui statua définitivement sur la franchise des Indiens, vint régulariser leur situation[5] ». Malgré tout, nous ne savons que trop comment furent mises en pratique ces déclarations de principes. À cet égard, on peut dire que les Français se montrèrent, au moins en apparence, plus conséquents avec eux-mêmes. Ainsi, en 1635, comme De l’Olive voulait faire la guerre aux sauvages pour les soumettre, son

  1. Sur les Caraïbes, Cf. A. Dessalles, op. cit., I, p. 194, sqq.
  2. Gomara, Hist. générale des Indes occidentales, trad. fr., liv. V, p. 251, verso. Cf. Moreau de Jonnès, op. cit., p. 3. L’ordonnance ajoute : « Sinon que de leur bon gré, quittant leurs erreurs grossières et superstitions damnables, ils voulussent devenir chrétiens. »
  3. Llorente, op. cit., I, 245.
  4. Benzoni, Historia del mondo nuovo, liv. I, ch. xviii, p. 185-187 ; — ch. xvii, p. 176, de la trad. française, au sujet de la réduction des sauvages en esclavage.
  5. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., 13.