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duit mal, il sera rendu à son maître. Pour tout autre cas, à moins que l’esclave n’eût dépassé quarante ans, il devait être payé 1.000 livres, si c’était un homme ; 2.000, si c’était une femme. On n’avait donc pas entièrement renoncé à la taxe des libertés.

À cette époque, commençaient à se répandre aux îles des bruits de liberté générale. Le gouvernement jugea même à propos d’y couper court par une circulaire[1] du 25 mars 1776. Le Ministre expose que, si quelque esprit faible avait conçu de l’inquiétude au sujet des projets attribués au roi par des gens malintentionnés, il y a lieu de le dissuader et de réprimer les désordres que pourrait causer une telle nouvelle. « Les colons doivent être assurés que les liens de leur intérêt particulier avec celui de l’État sont communs et ils n’ont à attendre du roi que des actes de bienfaisance et de nouvelles marques de son attention pour tout ce qui peut contribuer à leur bonheur. »

Sans parler des libertés irrégulières, existant de fait plutôt que de droit, et des libertés gratuites, nous pouvons nous faire une idée du nombre de celles qui étaient payées, d’après un arrêt du Conseil supérieur de la Martinique concernant la caisse des libertés (7 mai 1776)[2]. Les recettes provenant des taxations faites pour raison des affranchissements accordés par le comte de Nozières et le président de Tascher pendant les quatre années de leur administration, terminées le 15 mars précédent, s’élèvent à 271.525 livres pour la Martinique et 41.091 pour Sainte-Lucie. Ce chiffre représente à peu près une centaine d’affranchissements par an pour la Martinique, en ne comptant que 700 livres environ pour la taxe moyenne. Ce ne serait certes pas beaucoup si l’on songe que cette île avait certainement alors plus de 100.000 esclaves. Mais il devait y avoir beaucoup plus de libertés, qui ne sont pas relatées officiellement. À Saint-

  1. Arch. Col., B, 56, Saint-Domingue, p. 44.
  2. Durand-Molard, III, 253.