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l’article 20 est ainsi conçu : « Il sera permis aux habitants de donner la liberté aux nègres auxquels ils l’auront promise pour la défense de l’île. » Il est seulement spécifié que ces affranchis devront quitter l’île. L’article 19 de l’acte de la capitulation de la Martinique[1] porte également : « Les esclaves, qui ont été affranchis pendant le siège ou à qui la liberté a été promise, seront réputés et déclarés libres, et ils jouiront paisiblement de cette liberté. »

À côté de ces causes honorables d’affranchissement, il faut en citer une, qui avait des effets beaucoup plus considérables, et qui n’était autre que le fait de la corruption des mœurs. On a vu ce que nous avons dit de cette corruption dans un chapitre spécial. Devenir l’esclave favorite ou une des esclaves favorites du maître, c’était, la plupart du temps, l’ambition des négresses. Et combien de maîtres, dans ce cas, savaient résister, pour ne pas libérer l’objet de leur faiblesse, la mère de leurs enfants et ces enfants eux-mêmes ? « Sur 100 affranchissements, est-il dit dans un Mémoire sur la législation de la Guadeloupe[2], 5 tout au plus ont un motif louable. Les 95 autres ont été donnés à des concubines favorites et à quelques-uns de leurs enfants. Tous ces instruments et ces fruits du dérèglement ne reçoivent pas également la liberté ; il est des maîtres qui font le lendemain matin, et par 25 coups de fouet, reconduire au travail celle dans les bras de laquelle ils ont passé la nuit ! Il est des pères qui froidement consentent que l’enfant provenu de leurs œuvres gémisse sous le fouet d’un commandeur ; d’autres qui, pour affranchir et la mère et l’enfant, emploient le patrimoine de leurs enfants légitimes, quelquefois la dot de leurs épouses, en laissant ceux-ci dans l’abandon, la douleur, les besoins et l’ignorance. De l’un et de l’autre côté, quel oubli de tous principes ! »

Il est très rare de constater des affranchissements

  1. Durand-Molard, II, 113.
  2. Arch. Col., F, 267. Il est signé Parmentier et sans date.