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qu’ils soient entièrement supprimés par arrêté du 10 septembre 1774[1].

En somme, et malgré tous les inconvénients du système des engagés, si mal compris et si mal pratiqué, nous croyons pouvoir dire, avec M. P. Leroy-Beaulieu, que, dès le début de notre colonisation, « se constituait aux Antilles, avant que la traite des noirs eût fait irruption, une société solide, douée de tous les éléments de progrès et de consistance, animée dans toutes ses couches de l’esprit de vie et d’entreprise, capable de se suffire et de grandir par sa force intérieure d’impulsion, société sans rivale, qui pouvait hardiment défier toutes les colonies de plantations des autres peuples de l’Europe[2] ». Si elle eût suivi son développement normal, les éléments impurs qui entraient, c’est évident, pour une bonne part dans sa composition, se seraient progressivement purifiés, par la force des choses. Ce fait s’observe dans toutes les colonies. Chacun n’a-t-il pas présent à la mémoire l’exemple le plus fameux des descendants des convicts de Botany-Bay ?

Malheureusement, dès qu’on eut commencé à avoir des noirs, on ne se préoccupa plus d’augmenter la population européenne. Dès lors elle fut destinée à n’être qu’une infime minorité, incapable de constituer une souche assez féconde pour couvrir les îles de ses rejetons. Ce fut la faute à la fois de la métropole et des colons, exclusivement soucieux de leurs intérêts immédiats, et qui virent tout de suite une source de profits bien plus considérables dans le trafic et l’exploitation des esclaves, sans s’arrêter à en calculer toutes les conséquences.



IV

Ainsi s’accrédita de bonne heure le préjugé, soigneusement entretenu par les intéressés, que les blancs d’Europe n’avaient

  1. Moreau de Saint-Méry, V, 116.
  2. P. Leroy-Beaulieu. op. cit., p. 161.