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claves. — Dès 1681, les documents que nous avons cités (liv. II, ch. i, p. 152) nous apprennent qu’à la Martinique l’usage est que les mulâtres deviennent libres à vingt ans, et les mulâtresses à quinze. C’est bien ce que disait déjà le P. Du Tertre (Cf. plus haut, liv. II, ch. iii, p. 197) : « Quand quelque commandeur abuse d’une nègre, l’enfant qui en vient est libre… », et cela d’après une ordonnance. Il est également fait allusion à cette ordonnance dans un extrait du registre du greffe civil de la Martinique[1] : Le juge royal ordonne qu’une mulâtresse comprise dans une saisie jouira du bénéfice de l’ordonnance qui déclare les mulâtresses libres à quinze ans, qu’elle se pourvoira par le mariage ou se mettra en service.

Ainsi, il paraît n’avoir été réglé, sinon prévu, que ce cas spécial de l’affranchissement des esclaves avant 1685, c’est-à-dire la liberté acquise de droit, à une époque déterminée, à l’enfant né de l’union d’un blanc avec une négresse. Or nous allons voir que l’affranchissement peut résulter de plusieurs causes diverses.

Le Code Noir, très libéral sur ce point, n’impose aucune restriction à la faculté laissée aux maîtres d’affranchir leurs esclaves, soit de leur vivant, soit après leur mort, ce qui nous laisse supposer qu’auparavant l’habitude était que les maîtres pussent disposer d’eux à leur gré, puisqu’ils étaient leur propriété[2]. Ici encore nous retrouvons l’influence du droit romain. L’article 55 est en effet ainsi conçu : « Les maîtres âgés de vingt ans pourront affranchir leurs esclaves par tous actes entre vifs ou à cause de mort, sans qu’ils soient tenus de rendre raison de l’affranchissement, ni qu’ils aient besoin d’avis de parents, encore qu’ils soient mineurs de vingt-cinq ans. » Or la loi romaine permettait aux mineurs d’affranchir leurs esclaves à partir de vingt ans accomplis[3]. La disposition de l’article 55

  1. Arch. Col., F, 248, p. 977.
  2. Petit, Droit public, etc., I, 300 : « C’était une conséquence de la propriété à laquelle il paraît au premier coup d’œil être contre tout droit d’apporter aucune espèce de limitation que celle du droit d’un tiers. »
  3. Cf. Digeste, XL, i, 1.