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à chacun de ces nègres, pour leur part, soit payé ou remis à leurs maîtres dans la colonie ; vous m’en enverrez le rôle en me marquant ce qu’ils sont devenus[1]. »

Cette question des affranchissements pour les nègres passés en France ne laissait pas de provoquer bien des difficultés. Ainsi l’intendant Mithon consulte le Ministre, le 20 novembre 1704[2] : les habitants prétendent que les nègres emmenés en France sont tenus, en qualité d’affranchis, de servir leur maître, sa vie durant, sans pouvoir le quitter ;… « ce serait là un milieu qui accommoderait l’habitant. » Mais un autre problème se posait : il s’agit du cas des négresses qui, depuis trente ans, ont été en France, ont peuplé à leur retour et fait de nombreuses familles. « Si ces familles venaient à réclamer leur liberté, qui leur est acquise par les mères qui ont été en France, la liberté ou l’esclavage suivant le ventre par le droit romain et par les ordonnances, quel parti prendre ? » Les déclarer libres, ce serait ruiner certains maîtres et peupler l’île de libertins. Mithon exprime alors l’avis que la loi qui déclare libre tout nègre allant en France pourrait ne produire ses effets que depuis la première décision de 1696. La seule lettre du Ministre que nous ayons trouvée ensuite à ce sujet, et qui semble d’ailleurs être une réponse tardive à la précédente, est du 10 juin 1707[3]. « L’intention de Sa Majesté est que les nègres qui auront été amenés dans le royaume par les habitants des îles, qui refuseront d’y retourner, ne pourront y être contraints ; mais que, du moment que de leur pleine volonté ils auront pris le parti de les suivre et de se rendre avec eux dans l’Amérique, ils ne puissent plus alléguer le privilège de la terre de France, auquel ils semblent avoir renoncé par leur retour volontaire dans le lieu de l’esclavage ; c’est la règle qui doit être suivie sur ce sujet, qui ne peut tirer à aucune conséquence, ni aug-

  1. Moreau de Saint-Méry, I, 629. Lettre min. à M. Ducasse, 11 mars 1699.
  2. Arch. Col., C8, 15.
  3. Moreau de Saint-Méry, II, 99.