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Le 21 juillet 1768, à la Martinique, le bruit se répand qu’un roi nègre très puissant a racheté les noirs et qu’ils vont tous retourner dans leur pays. Cette nouvelle a « échauffé leur cervelle ». Pour réprimer leur ardeur, on prend le parti de donner 39 coups de fouet pendant trois jours à ceux qui colporteraient la nouvelle et de les mettre aux fers.[1]

Le calme finit par renaître dans la plupart des cas, grâce au système de la terreur. Toute velléité de liberté n’est-elle pas comme un vol et même un crime ? Et quoi ! le maître a payé ses esclaves, il les nourrit et les entretient ; et les voilà qui s’enfuient, qui se révoltent ! Heureusement le blanc a pour lui la loi et la force mises au service de… la justice ! Nous avons constaté qu’il sait en profiter pour se protéger et ne pas perdre sa propriété. En France, pourtant, on n’admet plus depuis longtemps qu’un homme soit la propriété d’un autre homme. Mais les colonies sont loin, et il ne s’agit que de nègres ! Dans la métropole, on en voit bien, de temps en temps, quelques-uns. Après tout, ils n’ont pas l’air si malheureux. Ceux-là sont, il faut le dire, les privilégiés amenés par leurs maîtres comme domestiques. Encore la loi commune, qui veut qu’il n’y ait que des libres sur le territoire du royaume, fait-elle une exception pour eux, comme nous allons le voir.


  1. Arch., Col., F, 134, p. 97.