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VI

Ce qui rendait le marronage si difficile à extirper des îles, c’est que les fugitifs trouvaient souvent un abri chez des recéleurs, qui les cachaient soit par crainte, soit par l’appât du gain. Cette pratique paraît remonter assez haut, puisque le gouverneur général des îles rendit, en 1678, une première ordonnance contre les affranchis receleurs d’esclaves[1]. Mais les peines portées contre eux ne sont pas indiquées. De Blenac écrit au Ministre, le 23 septembre 1679[2] : « Je serais assez d’avis qu’on se défît des nègres libres en les envoyant à Saint-Domingue, car ce sont eux qui débauchent les nègres des habitations et les commercent avec les sauvages. » Le Conseil de la Martinique rend, le 4 septembre 1684, un arrêt « contre ceux qui retiennent les nègres et engagés chez eux[3] » ; mais le Code manuscrit de la Martinique n’en donne que le titre, sans le texte. Enfin, l’article 39 du Code Noir est des plus positifs : « Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs seront condamnés par corps envers le maître en l’amende de 300 livres de sucre par chacun jour de rétention, et les autres personnes libres qui leur auront donné pareille retraite en 10 livres tournois d’amende par chacun jour de rétention. »

Cette pénalité n’eut probablement guère d’effet, car une ordonnance royale, du 10 juin 1705[4], décide que les nègres libres qui faciliteront aux esclaves les moyens de devenir marrons seront déchus de leur liberté et vendus avec leur famille résidant chez eux au profit du roi. Cette législation

  1. Arch, Col., F, 248, p. 278. La date n’est pas mieux précisée.
  2. Ib., C8, II.
  3. Ib., F, 248, p. 991.
  4. Ib., ib., p. 36 ; et 250, p. 303. Lettre du Min. à M. de Machault pour lui envoyer ladite ordonnance.