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et Panama, qui, s’étant révoltée contre les Espagnols, fut réduite par eux en esclavage[1]. On appela donc nègres_marrons les esclaves insoumis qui, pour échapper à la servitude ou aux mauvais traitements, s’enfuyaient de l’habitation de leur maître et allaient chercher un refuge dans la forêt ou dans la montagne. Le marronage fut la plaie continuelle des Antilles. On peut dire que, dès qu’il y eut des esclaves dans ces îles, il y eut des marrons ; et jamais on ne trouva le moyen d’empêcher ce délit ; au contraire, il alla toujours en augmentant ; tant est inné au cœur de l’homme l’amour de la liberté ! Les esclavagistes ont pu vanter la douceur de la condition des esclaves, la comparer à celle de leurs compatriotes sur la terre d’Afrique, ou bien à celle du paysan, du soldat, du matelot français, pour essayer de prouver qu’ils étaient matériellement plus heureux. La meilleure réfutation à leur opposer consistait dans ce fait que, cette condition si bien assurée, tous ceux qui n’étaient pas retenus par la crainte des châtiments s’empressèrent en tout temps de la fuir. Aussi bien n’est-il nullement dans notre intention de discuter de nouveau les arguments à l’aide desquels les intéressés ont cherché à soutenir leur détestable cause. Les faits ne parlent-ils pas assez hautement ? « Toutes les îles à esclaves, à quelque nation qu’elles appartiennent, ont leurs marrons », dit M. Schœlcher[2], et cela à une époque où la situation s’était bien améliorée. N’oublions pas que les Français furent encore ceux qui traitèrent leurs esclaves avec le moins de dureté. Au témoignage d’un colon[3], « le marronage est l’échelle à laquelle on peut mesurer l’administration douce, intelligente, sévère ou cruelle d’une propriété ». Or bien rares furent, même chez les Français, les habitations sur lesquelles il ne se produisit pas de faits de marronage. Jamais, pourtant, il n’atteignit les mêmes proportions qu’à

  1. Arch. Col., F, 138, p. 134.
  2. Col. françaises, 119.
  3. Ib., 113.