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cruautés de son maître. Le nègre le fit ; découvert, il eut le poing coupé. De là, nouveau procès contre Barrault ; condamnation analogue à la première[1]. Cependant il lui est accordé ensuite un sursis de six mois à l’exécution de l’arrêt qui le frappe et la faculté de conserver des nègres pour son usage, en attendant qu’il soit statué sur sa demande de réhabilitation[2]. Nous ignorons ce qui en advint.

Voici un terrible réquisitoire contre les maîtres de la Martinique : c’est une lettre de Phelypeaux au Ministre[3]. Laissons-le parler : « L’avarice et la cruauté des maîtres sont extrêmes envers leurs esclaves ; loin de les nourrir, conformément à l’ordonnance du roi, ils les font périr de faim et les assomment de coups. Cela n’est rien. Lorsqu’un habitant a perdu par mortalité des bestiaux ou souffert autres dommages, il attribue tout à ses nègres. Pour leur faire avouer qu’ils sont empoisonneurs et sorciers, quelques habitants donnent privément chez eux la question réitérée jusqu’à quatre ou cinq jours, mais question si cruelle que Phalaris, Busiris et les plus déterminés tyrans ne l’ont point imaginé… Le patient tout nu est attaché à un pieu proche une fourmilière, et, l’ayant un peu frotté de sucre, on lui verse à cuillerées réitérées des fourmis depuis le crâne jusqu’à la plante des pieds, les faisant soigneusement entrer dans tous les trous du corps… — D’autres sont liés nus à des pieux aux endroits où il y a le plus de maringouins, qui est un insecte fort piquant, et ceci est un tourment au-dessus de tout ce que l’on peut sentir… — À d’autres on fait chauffer rouges des lattes de fer et on les applique bien attachées sur la plante des pieds, aux chevilles et au-dessus du cou-de-pied tournant que ces bourreaux rafraîchissent d’heure en heure. Il y a actuellement des nègres et négresses qui, six mois

  1. Arch. Col., C8, 27. Lettre de M. Bénard, du 7 juillet 1720. Il envoie l’extrait de l’arrêt et rappelle toute l’histoire de Barrault, depuis 1707.
  2. Arch. Col., F, 252, p. 3. Arrêt du 9 janvier 1721.
  3. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F, 90, 24 mai 1712.