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plus le fouet, la fleur de lys et trois mois de prison. Puis, vient un arrêt du Conseil de la même île, du 10 mai 1720[1], défendant aux nègres et négresses de se mêler du traitement des maladies, — à l’exception des morsures de serpent, — sous peine de la vie, et, du même jour, un autre arrêt[2], qui condamne un nègre à être brûlé vif pour empoisonnement. L’année suivante, un empoisonneur est pendu. L’édit de février 1724 ordonne l’application aux Îles-du-Vent et à Saint-Domingue d’un édit de juillet 1682 rendu pour la métropole, et qui punissait de mort tout attentat à la vie d’une personne par le poison[3]. Nous lisons dans un Mémoire du 6 avril 1726 au sujet des nègres empoisonneurs[4] : « On ne saurait comprendre l’excès où les nègres portent l’empoisonnement, si mille exemples ne le faisaient connaître. Il y a peu d’habitants qui n’en aient ressenti les effets, et il y en a quantité qui en sont ruinés. » Il est malheureusement très difficile d’avoir des preuves. « On a proposé le projet d’une justice ambulante composée d’un juge, d’un procureur du roi, d’un greffier et d’un exécuteur. » On aurait instruit les procès sur les habitations mêmes. Mais il ne fut pas donné suite à ce projet.

L’intendant de la Martinique rapporte[5] que « plusieurs nègres s’imaginent avoir des secrets pour se faire aimer de leurs maîtres et d’autres pour empoisonner les hommes et les bestiaux ». Il arrive non seulement que des hommes sont empoisonnés, mais que des nègres, alors même qu’ils n’ont pas absorbé de substance vénéneuse, ont l’imagination tellement frappée, se croyant empoisonnés, qu’ils tombent en langueur et meurent peu à peu. Les administrateurs De Champigny et De la Croix écrivent[6] qu’il faudrait pouvoir punir de mort les

  1. Arch. Col., F, 249, p. 1119.
  2. Ib., ib., 1129 ; un arrêt du 11 mai, p. 1131, un du 14 août, p. 1173, condamnent à la même peine un nègre et une négresse.
  3. Trayer, op. cit., p. 49.
  4. Arch. Col., C8, 36.
  5. Arch. Col., F, 255, p. 915. Lettre au Ministre, 14 mai 1729.
  6. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F, 90, 8 octobre 1741.