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dépôt de Versailles, origine des archives actuelles des ministères de la Marine et des Colonies.

Pour les îles qui n’avaient pas de Conseil supérieur, il fallait, dans le cas d’appel, venir devant la cour dans le ressort de laquelle elles se trouvaient. C’est ainsi que les habitants de la Grenade supplient de permettre chez eux la constitution d’un tribunal pouvant condamner à mort les nègres convaincus de crimes. En effet, on était forcé de les amener à la Martinique ; or, sans parler du prix du transport, des risques d’évasion, le châtiment subi au loin ne servait pas d’exemple aux autres[1]. Mais il ne fut pas néanmoins donné suite à cette demande. Aussi est-il à penser que, dans bien des cas, les maîtres devaient se faire justice eux-mêmes. En général, ils ne se souciaient guère de dénoncer leurs esclaves coupables, sauf pour ceux qui pouvaient encourir la peine de mort, auquel cas le prix du supplicié leur était remboursé. Encore voyons-nous, par exemple, qu’un arrêt du Conseil supérieur de la Martinique[2] condamne le sieur Dufresnoy à être gardé en prison jusqu’à ce qu’il ait remis entre les mains de la justice un de ses nègres convaincus de plusieurs crimes. C’était pour les propriétaires une perte nette que la mise en prison de leurs nègres. En effet, suivant l’article 10 d’un arrêt en règlement du Conseil du Cap[3], les esclaves doivent payer 12 sols par jour, moyennant quoi le geôlier leur fournit une cassave d’une livre et demie au moins et l’eau nécessaire, de bonne qualité. D’après l’article 11, les esclaves emprisonnés pour dettes (cas assez curieux à noter) paieront 30 sols pour l’entrée, 30 sols pour la sortie, plus 22 livres 10 sols d’avance pour la nourriture d’un mois ; et ils auront ainsi, outre le pain et la cassave, une livre et demie de fressure ou flanc de bête et l’équivalent en poisson et légumes les

  1. Arch. Col., C8, 10. Lettre de d’Amblimont, 10 avril 1697. La même plainte est formulée dans un Mémoire du 9 novembre 1717. Ib., F, 17.
  2. Arch. Col., F, 253, p. 15, 10 janvier 1724.
  3. Moreau de Saint-Méry, III, 625, 12 septembre 1740.