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tout commerce, toute profession, même jusqu’à prostitution, en sorte qu’en satisfaisant à leur engagement avec leur maître ils ont le pouvoir de faire valoir tous leurs talents, leurs ruses, leur adresse, leur malice pour se procurer de l’argent à quelques coins et à quelque titre qu’il soit ou qu’il vienne. » On montre ensuite que la plupart des articles du Code Noir sont impunément violés. Suivent des articles nouveaux : Défense de louer des maisons aux esclaves ; défense pour eux de s’immiscer dans aucun commerce ; d’accaparer les denrées comestibles pour les revendre ; de se louer.

Le même mal existait à la Martinique, ainsi que nous le voyons par un arrêt du 7 novembre 1757. Il est d’abord question des esclaves dont les maîtres exigent une certaine somme par mois ou par jour, moyennant quoi ils les laissent libres[1]. Les délinquants seront confisqués et vendus ; moitié de leur prix sera attribuée au dénonciateur, moitié aux réparations publiques. Les propriétaires qui leur auront loué seront frappés de 500 livres d’amende. Il est également défendu de donner gîte et retraite à aucuns esclaves, même avec la permission du maître, à l’exception des esclaves voyageurs, porteurs d’ordres de leurs maîtres.

On conçoit les inconvénients et même les dangers que présentait ce système des esclaves livrés à eux-mêmes moyennant une rétribution. Aussi un arrêt du Conseil du Cap[2] condamne pour ce fait un maître à 50 livres d’amende. Un autre arrêt de ce même Conseil[3], du 7 avril 1758, défend par l’article 14 de laisser les esclaves libres avec permis-

  1. Durand-Molard, II, 34. « Dans les circonstances présentes, les nègres de journée, ne trouvant plus à travailler, ont recours à toutes sortes de moyens pour payer leurs loyers à leurs maîtres, lesquels, pour n’être pas privés des profits qu’ils en retirent, les soutirent tenir des maisons et des chambres particulières, contre les dispositions des arrêts en règlement des 3 novembre 1733 et 11 juillet 1749, qui défendent à tous maîtres de laisser vaguer leurs esclaves et de permettre qu’ils tiennent des maisons particulières sous quelque prétexte que ce soit. »
  2. Moreau de Saint-Méry, III, 458.
  3. Moreau de Saint-Méry, IV, 225.