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merce des blancs ; la seconde est un motif de sécurité. Ce sont ces mêmes raisons qui ont inspiré une série de prohibitions, que nous rapprocherons d’après leur objet plutôt que d’après l’ordre chronologique.

La première a trait aux esclaves qui tiennent des maisons. Un arrêt du Conseil de la Martinique[1] le leur défend. C’est que la plupart du temps ces maisons n’étaient que des lieux où l’on se réunissait pour boire, pour jouer ; c’étaient des asiles pour les nègres marrons et des repaires de prostitution. Nous le constatons par un règlement du Conseil de Léogane[2] concernant la maréchaussée. L’article 29 est ainsi conçu : « Pour obvier aux désordres qui se commettent journellement par rapport aux jeux des esclaves et aux cabarets qui leur sont destinés, ordonne qu’il n’en sera établi que dans les villes et bourgs, et par des gens libres qui en feront eux-mêmes le débit. » Il est enjoint à tous nègres esclaves de fermer boutique dans huit jours, à peine « contre les maîtres des esclaves, de 100 livres d’amende pour la première fois, en outre de confiscation des meubles et liqueurs, en cas de récidive ». Les esclaves ne consommeront qu’à la porte. On ne paiera qu’en argent. Si des esclaves sont pris à jouer, l’argent du jeu sera confisqué. Il est interdit à toute personne libre de jouer avec des esclaves, sous peine d’un mois de prison pour la première fois et de peine plus grave par la suite.

Un arrêt du Conseil de la Guadeloupe[3] défend également de louer des boutiques ou logement quelconque aux nègres, même avec billet et permission de leurs maîtres. Dans les considérations précédant l’arrêt, il est dit : « … pour une somme convenue avec les maîtres ils s’affranchissent, pour ainsi dire, ils louent des maisons et des boutiques, et, comme les blancs, avec la même liberté, ils peuvent entreprendre

  1. Durand-Molard, I, 377.
  2. Moreau de Saint-Méry, III, 531, 17 janvier 1739.
  3. Arch. Col., F, 226, p. 473, 2 septembre 1749.