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les traiterait mieux, et ils s’attacheraient davantage eux-mêmes à l’habitation. « Il est de fait, dit-il, que, depuis deux siècles, mille arrêts ont été rendus sur cette matière et qu’ils se sont si constamment contrariés qu’il n’y a point de jurisprudence fixe ; les plus savants jurisconsultes de la colonie purent avec des autorités également fortes se repousser mutuellement et se renvoyer à d’interminables procès semblables, dont la décision est toujours aussi incertaine. »

M. SuUy-Brunet, dans ses Considérations sur le système colonial[1], écrit : « La loi en vigueur fait de l’esclave un meuble. Elle défend cependant qu’un bien rural soit saisi sans que la saisie ne comprenne les esclaves qui le cultivent. Le propriétaire est_toujours libre de distraire de son immeuble tout ou partie des nègres qui y sont attachés. Cet état de choses n’a pas peu contribué à empêcher les progrès de la civilisation et à entraver les mariages. »

En résumé, il nous paraît juste de conclure avec M. Trayer[2] : « Il est certain que presque tous les textes nous présentent les nègres comme étant des meubles, mais soumis tantôt aux règles des immeubles et tantôt à celles des meubles. »



III

L’influence du droit romain se trouve encore nettement marquée dans la plupart des actes dont les esclaves devenaient capables en tant que représentant la personne de leurs maîtres. Comme on l’a bien dit à propos des esclaves romains, « il y avait toujours cette différence entre eux et les hommes libres, que l’homme libre avait le droit de faire tout, excepté ce que la loi lui défendait ; l’esclave rien, excepté ce que la

  1. Paris, 1840. Cité par Schœlcher, Col. françaises, pp. 55, 56.
  2. Op. cit., p. 67.