Aussi demande-t-il l’abrogation de l’article 48, et le Conseil l’approuve[1]. Suivant les administrateurs de Cayenne, Maillard Dumesle et Fiedmond[2], la loi prohibitive de saisie est devenue « un moyen destructif » ; elle a miné le crédit ; une loi permettant la saisie bannirait la mauvaise foi. Et Dumesle le constate ensuite[3] : « Il n’y a jamais eu d’exemple ici de l’exécution d’une saisie réelle. Tous les jugements que l’on prononce ne servent proprement qu’à rendre la justice ou méprisable ou ridicule. »
À Saint-Domingue, une sentence de l’Amirauté du Fort-Dauphin ayant ordonné une saisie de nègres nouveaux destinés à la culture, un arrêt du Conseil du Cap déclare nulle ladite saisie[4], le 22 février 1768. Le même Conseil, par arrêt l du 27 novembre 1773[5], décide que « la vente des nègres d’une succession pourra être autorisée lorsqu’il ne se trouvera aucun immeuble dans la succession et que lesdits nègres n’excéderont pas le nombre de trois ; en conséquence, les poursuivans la vente seront tenus de joindre à leur requête l’inventaire de la succession, et ce tant pour les demandes des curateurs aux successions, vacations, que pour celles formées par les exécuteurs testamentaires… »
Vers la fin du xviiie siècle, si nous nous en rapportons au témoignage de l’administrateur Le Brasseur[6], « à Saint-Domingue, le mot meuble comprend tous les nègres domestiques et de jardin ». Et il fait observer que l’article 293 de la
- ↑ Dessalles, III, 244, rapporte que le Conseil prit une délibération analogue, le 8 janvier 1773. Il montre, à ce propos, « qu’un propriétaire, qui sait qu’on ne peut jamais lui saisir les nègres de son habitation, s’embarrasse fort peu d’acquitter ses engagements ». Et cependant, ajoute-t-il, « l’intérêt de la colonie, celui de tous les colons, l’humanité même semblent en quelque sorte s’opposer à la saisie des nègres attachés à la culture de la terre ». — Les lois anglaises autorisaient la saisie des noirs, comme des autres meubles, mais seulement à défaut de ceux-ci, et tout en les considérant comme immeubles. Trayer, op. cit., p. 68.
- ↑ Arch. Col., F, 146. Lettre du 7 novembre 1766.
- ↑ Ib., ib. Lettre du 15 mars 1768.
- ↑ Moreau de Saint-Méry, V, 162.
- ↑ Id., ib., 481.
- ↑ Arch. Col., F, 157. Tableau de l’administration des Îles-sous-le-Vent, p. 172.