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Il est à remarquer que ces observations existent déjà en note marginale sur l’exemplaire du Mémoire de Blenac et de Begon, qui est de 1683. Ceci nous prouve — ce qui nous a frappé bien des fois au cours de notre étude — que souvent l’on était peu au courant, aux îles, des changements survenus dans la législation. Ou bien, en effet, une mesure générale n’avait pas été envoyée dans chacune pour y être enregistrée ; ou bien on s’en tenait à des mesures locales ; et alors, sitôt qu’une difficulté surgissait, les discussions reprenaient sans qu’il fût tenu compte, pour ainsi dire, de ce qui aurait dû avoir déjà force de chose jugée. Autre exemple : Un acte de notoriété du Châtelet de Paris, du 13 novembre 1705[1], porte que les nègres attachés à la culture à Saint-Domingue sont meubles. C’est à propos d’une succession. Les héritiers du mari prédécédé ont demandé deux habitations qu’il possédait « avec les nègres, comme faisant partie desdites habitations, tanquam adjecti glebæ, destinés et attachés auxdites habitations, et qu’ils prétendent être réputés immeubles suivant l’usage de l’Amérique, la jurisprudence du Châtelet et la disposition tacite de la coutume de Paris, qui est suivie dans ladite île de Saint-Domingue comme la coutume de la ville capitale du royaume ; laquelle coutume a des dispositions approchantes comme les pigeons des colombiers et les poissons des étangs, qui sont réputés immeubles suivant l’article 91 et suivant les coutumes de Bourgogne, Nivernais et autres, dans l’étendue desquels les hommes de condition servile font partie des duchés, marquisats et autres terres régies par les coutumes, lesquels sont réputés immeubles… » Vient après la décision : « Suivant l’usage de la coutume de Paris, les bestiaux qui sont dans les fermes et métairies ne font point partie d’icelles, mais se vendent séparément, et dans les successions appartenant aux héritiers des meubles, les créanciers de la succession les distribuent entre eux par

  1. Moreau de Saint-Méry, II, 41.