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tenant au sieur Bonnaud, son débiteur ; mais, en même temps, le sieur Giroult a fait de son côté saisir réellement l’habitation de Bonnaud. Aussi un arrêt du Conseil du Petit-Goave ordonne que la négresse sera remise sur l’habitation. On voit tout de suite les conséquences d’une pareille manière de procéder : le petit créancier est fatalement sacrifié au plus fort, car, pour faire saisir une habitation entière, il faut naturellement que le montant de la créance soit suffisant, et, dans bien des cas, les frais devaient absorber une partie des biens du saisi, si bien que la répartition au sol la livre pouvait n’être que fort peu rémunératrice. Cet inconvénient est signalé dans un mémoire sur l’immobilité des nègres[1], daté de 1700. Et ce n’est pas le seul. L’auteur anonyme dudit mémoire indique la liberté qui est laissée au débiteur de vendre secrètement ses nègres et d’abandonner ensuite sa terre, « qui n’est pas de grande considération aux îles ». Sans compter que les commerçants ne voudront plus prêter ; conséquence : il ne se fera plus de défrichements, la plupart des habitants qui viennent aux îles n’ayant aucun capital. Ce qui paraît singulier, c’est que notre auteur rappelle uniquement l’arrêt royal du 15 mai 1681, sans parler du Code Noir, et il observe que les trois conseils souverains, en l’enregistrant, ont ordonné que les nègres seraient réputés immeubles. Mais de ce fait il est résulté d’autres prétentions donnant lieu à procès, par exemple : que les nègres d’une terre féodale devaient être partagés comme un fief ; — qu’ils devaient être sujets à retrait lignager ; — qu’il faudrait les décréter pour purger l’hypothèque ; — qu’il faudrait le temps prescrit par la coutume pour la prescription des immeubles pour en prescrire la possession. Finalement, il est d’avis qu’il vaudrait mieux rétablir les choses comme elles étaient auparavant, « puisqu’elles allaient leur train sans faire de trouble ni de discussion ».

  1. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F 90.