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Il faut dire qu’à Rome, après avoir autorisé le mariage entre esclaves et libres, on se préoccupa de l’empêcher en raison du nombre trop fréquent de ces mésalliances qui risquait, sous l’Empire, de devenir un péril pour la sûreté de l’État. Le sénatus-consulte Claudien frappe de servitude la femme qui épouse un esclave[1]. Constantin la punit de mort, si c’est son propre serviteur, et l’esclave est condamné au feu[2]. L’homme libre pouvait cependant prendre une femme parmi ses domestiques ; mais il n’avait pas le droit de s’unir à l’esclave d’un autre. Ce dernier empêchement cessa lui-même sous l’influence du christianisme. « Le mariage de l’homme libre avec la femme esclave resta nul de plein droit : mais l’homme eut toujours la puissance d’en valider toutes les conséquences par un affranchissement suivi d’un acte solennel de mariage[3]. » La Novelle 78 veut que par le mariage l’esclave et les enfants soient affranchis. D’après les Constitutions ecclésiastiques, tout esclave marié dans l’Église devient libre. Suivant les Basiliques[4], qui datent de la fin du ixe siècle et ne sont, au fond, que l’abrégé des Institutes de Justinien, l’homme libre pouvait épouser une esclave en payant le prix de son affranchissement. On voit par là que les juristes du xviie siècle, tout en s’inspirant du droit romain et du droit canonique, se sont préoccupés de concilier autant que possible les préceptes divins et les intérêts des possesseurs d’esclaves. Ils ont respecté le principe : Quod deus conjunxit homo non separet. Mais ils ont sauvegardé légalement la propriété des maîtres en n’admettant pas que la femme esclave pût donner naissance à des enfants libres, à moins qu’elle ne fût régulièrement épousée par un homme libre. Or c’étaient là, nous le savons, des cas excessivement rares,

  1. Cf. Wallon, op. cit., III, 390 et sqq.
  2. L., I (326). Code Th., IX, ix.
  3. Wallon, III, 391.
  4. Cf. Fabrot, Les Basiliques, 1647. — Voir Biot, op. cit., p. 214 et 270, au sujet des lois des Barbares relatives au mariage des esclaves.