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combien limitée en fait. Il semble aussi que l’assimilation aux libres pour les formalités affirme leur personnalité ; c’est comme la reconnaissance d’une sorte d’état civil. Mais quels en sont les effets ? Ils n’en retirent qu’un seul bénéfice, ainsi que nous le constatons par l’article 47 du Code Noir, c’est que le mari, la femme et leurs enfants impubères[1] ne peuvent êtrë saisis et vendus séparément ; encore faut-il qu’ils soient tous sous la puissance d’un même maître. Ils ne peuvent pas davantage être séparés en cas d’aliénation volontaire. Sans doute, c’était quelque chose. Mais quelle famille que celle dont les différents membres sont exposés sans cesse à l’arbitraire d’un maître qui n’a d’autre souci que de tirer d’eux tout le profit possible[2] !

Ce qui importait surtout, c’était de déterminer le sort des enfants nés de ces unions. Par l’article 12, les enfants d’esclaves restent esclaves et appartiennent au maître de la femme. On reconnaît là le principe du droit romain : partus seqtuitur ventrem[3]. Il est appliqué aussi dans le cas où les conjoints ne sont pas de la même condition ; c’est toujours celle de la mère que suivent les enfants, d’après l’article 13. Il est à remarquer cependant qu’à Rome, lorsqu’on en fut arrivé à reconnaître aux esclaves le droit de contracter mariage, les enfants suivirent la condition du père. Suivant le titre des Décrétales : De natis ex libero ventre, les enfants ne sont affranchis que si la mère est libre. Les rédacteurs du Code Noir s’en sont tenus là, évidemment par raison politique, pour ne pas risquer de trop diminuer le nombre des esclaves.

  1. On entendait par là les enfants de moins de douze ou quatorze ans. Mais, en fait, il arrivait qu’on vendait des enfants de sept ans. Rapport de la Commission instituée pour l’examen des questions relatives à l’esclavage, p. 133.
  2. Le vrai mariage n’exista jamais pour les esclaves. Les auteurs grecs n’emploient pas le mot γάμος pour désigner les unions d’esclaves. Wallon, I, 288. D’après le droit romain, il n’y a pas connubium, mais seulement contubernium (Paul, Sentent., II, 19, § 6. Col. 12. 1, 2) ; c’est une simple cohabitation, qui resta longtemps sans effet au point de vue civil. Dans le droit canon, le mot conjugium n’exprime également que le mariage sous le rapport physique.
  3. Cf. Cod. De rei vindic., I. — De liber, causa, I, 42. — Colum., I, 8.