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Le 1er décembre 1736, les général et intendant de la Martinique promulguent une ordonnance[1] enjoignant de planter 25 bananiers par tête de nègre et de laisser après la première récolte 50 rejetons par chaque tête (art. 1). Dix sols d’amende par chaque pied qui manquera et, en cas de récidive, deux mois de prison (art. 7). Le mal s’étend partout, car on tâche de prendre des mesures générales. Ainsi, le 19 août 1761, le gouverneur général des îles constate dans une ordonnance[2] que les mesures multipliées à ce sujet n’ont pas eu l’effet qu’elles devaient produire. Or il ne s’agit plus seulement de la subsistance des nègres, mais même de celle des habitants qui, dans le cours de la guerre, ayant manqué des secours du commerce de France, ont dû recourir à l’étranger et tomberaient à l’avenir sous sa dépendance. En conséquence, les habitants devront avoir sur leurs habitations le tiers en sus de la quantité de vivres plantés qui se trouvent par eux déclarés, plus la quantité nécessaire de grains qui sont plus propres à se conserver. Autre ordonnance des administrateurs, du 10 octobre 1762[3] : elle en rappelle une du 20 août précédent, qui avait réglé la formation de plusieurs magasins de grains dans les différents quartiers de la colonie ; mais la mesure a été reconnue insuffisante. C’est pourquoi, désormais, chaque habitant sera tenu de planter une quantité de terrain suffisante pour la subsistance de ses nègres pendant six mois, et les vivres devront être emmagasinés chez lui au 1er mai suivant (art. 1). Cette provision sera renouvelée tous les six mois, tant que la guerre durera (art. 2). De plus, chaque habitant ayant plus de 50 nègres aura un carreau de terre planté en manioc ; celui qui aura plus de 100 nègres, 2 carreaux, et ainsi de suite. Pendant la guerre de Sept Ans, le baril de manioc avait atteint le prix de 60 livres à la Martinique.

  1. Arch. Col., F, 236, p. 781.
  2. Moreau de Saint-Méry, IV, 401.
  3. Id., ib., 506.