Ces prescriptions sont conformes aux Mémoires qui ont servi à préparer le Code Noir. Des notes mises en marge du mémoire de Patoulet nous indiquent que c’était l’avis des trois Conseils souverains des îles, qui avaient pu constater les abus. Cet intendant écrit, en outre : « De cette ordonnance il en arrivera deux choses, l’une la conservation des esclaves, et l’autre le repos des peuples qui sont fatigués et même la plupart ruinés par le vol et le pillage qu’ils souffrent des esclaves qui, ne recevant pas de nourriture des patrons, en cherchent partout et n’en peuvent trouver. » Il fallait donc que la situation fût déjà bien mauvaise pour que le représentant du roi s’exprimât ainsi. Nous allons voir quelles difficultés on eut à obtenir que les règlements fussent suivis à cet égard.
Mais, auparavant, nous ferons observer qu’il est singulier qu’on ait songé à fournir les esclaves de vivres pour une semaine. N’était-ce pas, en principe, un premier inconvénient, vu l’imprévoyance des nègres, qui étaient la plupart du temps incapables de calculer ce qu’ils pouvaient manger chaque jour pour atteindre la fin de la semaine en gardant encore une partie de leurs provisions ? De là sans doute une inégalité de régime, excès un jour, privation le lendemain, très mauvaise au point de vue hygiénique, surtout pour des gens astreints à un travail régulier des plus rudes. Mais leur distribuer leur ration chaque jour avait probablement paru trop compliqué. Il l’eût été encore davantage, ou plutôt les maîtres auraient considéré comme trop onéreux de faire préparer dans chaque habitation la nourriture pour tous. Et pourtant cela n’eût-il pas mieux valu à la fois pour les uns et pour les autres ? Les nègres, occupés tout le temps, étaient à peu près dans l’impossibilité de faire une cuisine quelconque, et ils devaient en être réduits à absorber la plupart de leurs aliments sans préparation. Qu’on ne s’étonne pas de nous voir insister sur ce côté de la vie matérielle des esclaves. C’est, en effet, en grande partie parce qu’il ne