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qu’ils en ont eus, et ceux à qui les négresses n’appartiennent pas condamnés à 2.000 livres de sucre brut, il est certain, dis-je, que la crainte qu’ils auraient de perdre leurs négresses ou de payer cette amende ferait plus d’impression sur eux que la crainte de Dieu, dont ils font trophée de violer impunément les commandements. »

Dans un exposé que fait le supérieur des Missions sur ce sujet au gouverneur et à l’intendant[1], il dit que les colonies sont exposées à subir « la terrible punition des villes fameuses par leur abomination, qui furent consumées par le feu du ciel ». À propos de l’augmentation considérable du nombre des mulâtres, il cite, parmi les causes des relations fréquentes des blancs avec les négresses, « le lait et l’éducation qu’ils ont et qu’ils reçoivent avec les colons ». Pour lui, c’est une « conjonction criminelle d’hommes et de femmes d’une différente espèce, si on peut ainsi parler », donnant naissance à « un fruit qui est un monstre de la nature ». Il faudrait imiter les Anglais qui punissent sévèrement les coupables. Aussi n’y a-t-il chez eux que très peu de mulâtres. « La police des colonies anglaises là-dessus fait honte, si je l’ose dire, à la police des colonies françaises. » L’auteur fait allusion à une ordonnance de Henri II, renouvelée et modifiée par Louis XV, « en faveur de ces colonies », enjoignant sous peine de la vie à toutes les filles et femmes enceintes d’un commerce criminel, sans distinction de libres et d’esclaves, d’aller déclarer leur grossesse au juge du lieu. Les négresses sont fières d’avoir des enfants des blancs, et elles espèrent que le père leur donnera ou leur procurera la liberté. Mais on ne devrait pas l’accorder, quand les motifs ne sont que « le concubinage et l’impudicité ». Il résulte de ce dévergondage un autre inconvénient grave : c’est que les facilités de débauche empêchent les jeunes gens de se marier, et « un nombre considérable d’honnêtes et vertueuses filles

  1. Arch. Col., F, 232, p. 535, 30 septembre 1722.