pareil ; mais le diable le trouva noir lorsqu’il fut achevé, par un châtiment de Dieu, qui ne voulait pas que son ouvrage fût confondu avec celui de l’esprit malin. Celui-ci fut tellement irrité de cette différence qu’il donna un soufflet à la copie, et la fit tomber sur la face, ce qui lui aplatit le nez et lui fit gonfler les lèvres. D’autres nègres moins modestes disent que le premier homme sortit noir des mains du Créateur et que le blanc n’est qu’un nègre dont la couleur est dégénérée[1]. » G. de Cassagnac cite en effet leur dicton : « Le blanc, c’est l’enfant de Dieu ; le noir, c’est l’enfant du diable, le mulâtre n’a pas de père[2]. »
Ce qu’on tâchait évidemment de leur mettre dans l’esprit, c’est qu’il leur fallait supporter leur condition, que Dieu le voulait ainsi, que c’était pour eux un moyen de gagner le ciel. Certains d’entre eux devaient dans leur for intérieur penser comme l’Indien qui déclarait à un missionnaire que, si les Espagnols devaient y aller eux aussi, il n’en voulait à aucun prix. Il est sûr que l’idée d’une Providence, mère commune des blancs et des noirs, devenus frères en Jésus-Christ, était une de ces vérités difficiles à accepter pour eux. Un jour, à ce que raconte un auteur ayant vécu au milieu d’eux[3], un missionnaire expliquait aux nègres qu’ils tenaient de Dieu les patates qu’ils mangeaient. Mais l’un d’eux lui répondit librement qu’il n’en croyait rien et que, s’ils ne plantaient pas les patates, elles ne pousseraient pas. « Et la pluie, d’où vient-elle ? » lui demanda le missionnaire. Le nègre resta interloqué par cet argument et se contenta de lever les yeux au ciel, en signe qu’il était convaincu de l’existence d’un Dieu créateur. Quelque sentiment vague qu’ils pussent avoir de l’opposition par trop manifeste entre les principes qui leur étaient enseignés et la conduite de leurs maîtres, il leur était forcément impossible de discuter. Donc ils accep-