temps après, MM. de Champigny et d’Orgeville écrivent au Ministre[1] que les préfets apostoliques leur ont communiqué un rescrit de Rome relatif à la suppression de quelques fêtes. Tout le monde convient, d’après eux, que « les fêtes, bien loin d’exciter la piété des nègres, les entretiennent dans le libertinage ». Mais les maîtres se plaignant de ne pas pouvoir nourrir leurs nègres, dont ils ont un moins grand besoin alors par suite de la ruine des cacaos, aiment mieux provisoirement leur laisser la liberté des jours de fêtes, qui leur permet de pourvoir à leur subsistance en se livrant à des travaux de jardinage. Il ne paraît pas, en effet, qu’on ait rien fait en ce sens, car nous voyons les plaintes se reproduire. Le 15 mars 1760, le Ministre écrit à MM. Le Vassor et La Rivière[2] à propos de cette multiplicité des fêtes qui produit trop de dissipation parmi les esclaves, car ils profitent de ces moments pour tramer leurs complots. Il rappelle les dangers que courut la Martinique, en 1748, « quand les esclaves, la plupart marrons, ayant formé le projet de se rendre, pendant la messe de la nuit de Noël, maîtres des différents bourgs de la Martinique, s’emparer des armes des habitants et faire main basse sur tous ceux qui seraient dans les églises, on n’évita la ruine totale de cette île que parce qu’un habitant entendit par hasard des nègres qui s’entretenaient de ce projet ». Sa Majesté a écrit « à M. l’Évêque, duc de Laon », son ambassadeur à Rome, pour savoir s’il ne serait pas possible d’obtenir la diminution des fêtes. Mais il n’est plus question, les années suivantes, de la solution donnée à ce projet. Ce n’est que le 16 février 1787 que nous trouvons une circulaire aux administrateurs de Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie, Tabago, Cayenne et le Sénégal, indiquant que le roi a obtenu divers décrets de la Cour de Rome pour réduire à 10 le nombre des fêtes[3].
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