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tiennent de tout exercice public de la religion qu’ils professent[1]. »



III

Le baptême est déclaré obligatoire par l’article 2 du Code Noir pour tous les esclaves. Mais il faut que les nègres soient d’abord instruits des principes fondamentaux de la religion. Or, dans la pratique, c’est presque impossible. Nous avons vu que déjà MM. de Tracy et de Baas avaient pris des mesures en ce sens : mais elles avaient été inefficaces. Les maîtres se souciaient peu de les faire instruire, d’abord parce qu’ils estimaient que cela leur faisait perdre du temps ; ils s’opposaient aussi à ce que les religieux eussent libre accès sur leurs habitations, parce qu’ils étaient ainsi trop à même de constater les mauvaises mœurs ou les excès commis à l’égard des nègres. Une ordonnance du gouverneur de la Guadeloupe, du 14 septembre 1672[2], leur enjoint, en conséquence, de laisser les Jésuites et autres religieux instruire les nègres aux champs les jours de semaine. Tous les nègres nouveaux désiraient en général avec ardeur le baptême, parce que, tant qu’ils ne l’avaient pas reçu, ils étaient un objet de mépris dans les ateliers de la part des autres devenus déjà catholiques[3]. Les Capucins étaient très accommodants pour le leur conférer ; les Jésuites également ; mais les Jacobins, par exemple, tenaient à s’assurer qu’ils n’étaient pas entièrement ignorants[4]. Il arrivait souvent quand même que le baptême était une cérémonie purement illusoire. Certains esclaves ne se faisaient pas faute d’en obtenir le renouvellement

  1. Durand-Molard, op. cit., III, 281.
  2. Arch. Col., F, 221, p.477.
  3. A. Dessalles, III, 299.
  4. Cf. Arch. Col., C8, 19, 10 janvier 1773, une longue et curieuse lettre de Phelypeaux sur les divers Ordres ; on y voit qu’un assez grand nombre de religieux étaient eux-mêmes loin de donner le bon exemple et se souciaient fort peu de s’acquitter de leur ministère.