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crimes que les armateurs vont faire commettre en Afrique. » Il cite un autre abus non moins révoltant, relatif au mauvais choix ou à l’insuffisance des remèdes que l’on embarque : le négrier conclut un forfait avec un apothicaire, à tant par tête. On considère même comme inutile de soigner les nègres qui sont trop sérieusement atteints. Il est plus simple de compter sur le sacrifice calculé d’avance d’un certain nombre des individus embarqués.

Aux îles, tout à fait à l’origine, aucune réglementation ne paraît non plus avoir existé relativement aux esclaves ; ils sont assimilés aux bestiaux. Dès qu’une société nouvelle se fonde, en même temps qu’elle pourvoit à ses premiers besoins matériels, il est indispensable qu’elle établisse tout d’abord un système de justice destiné à régler les rapports de ses membres entre eux. C’est ce qui eut lieu aux Antilles et, pour cela, on imita ce qui existait dans la métropole, d’où venaient, d’ailleurs, tous les ordres ; mais, comme naturellement il n’y avait pas de juridiction concernant les esclaves, ils furent laissés en dehors de la législation importée aux îles.



II

La propriété des Antilles fut, en premier lieu, concédée à la Compagnie des Îles d’Amérique, créée dès 1626, qui forma des tribunaux et établit comme juges ses propres agents. Mais, le 4 septembre 1649[1], la Compagnie vend au sieur de Boisseret, « le fond et propriété » de la Guadeloupe, de la Désirade, Marie-Galante et les Saintes pour 60.000 livres. Le 27 septembre 1650[2], c’est la Martinique, Sainte-Lucie, la Grenade et les Grenadines, qu’elle cède moyennant la même somme à

  1. Arch. Col., F, 18. Mémoire touchant la propriété incommutable des terres et droits du sieur Houel dans les îles de la Guardeloupe.
  2. Arch. Col., F, 247, p. 247.