les pièces d’Inde et les autres à proportion. Nous lisons, à la date du 18 août 1716, dans un Mémoire adressé au duc d’Orléans, régent du royaume, et à nos seigneurs de son conseil de la marine : « Les nègres s’achetaient autrefois, à leur arrivée de Guinée, 100 écus au plus. Nous les payons à présent jusqu’à 600, 650, 700 livres. » Les auteurs du Mémoire s’étonnent que les négociants se plaignent de perdre ; en réalité, c’est qu’ils mènent trop grand train, voulant « en tout se mouler sur les officiers de Sa Majesté » ; voilà pourquoi leurs bénéfices ne leur suffisent pas. Et ils concluent : « Nous prenons la liberté de faire remarquer à nos seigneurs du conseil de la marine combien nous serait avantageux le commerce libre ici des Hollandais. » Il est de fait que les Hollandais s’arrangeaient pour fournir la marchandise à des prix moitié moindres. Mais nous savons combien on était toujours préoccupé en France d’empêcher le commerce fait par les étrangers avec les îles. Les commerçants métropolitains y gagnaient ; mais c’étaient les colons qui en supportaient les conséquences.
En 1728, il est constaté dans une lettre du Ministre[1] que le prix des nègres aux îles a « plus que doublé depuis 1694 », époque à laquelle une ordonnance les évaluait à 400 livres. Leur valeur aurait donc dépassé alors 800 livres. L’augmentation des prix est, en réalité, constante d’année en année. Mais des documents se rapportant à peu près à la même date nous donnent des renseignements assez différents. Par exemple, il ressort d’un jugement rendu par l’intendant de la Martinique en 1740[2], que 200 nègres ont été vendus 100.856 livres, ce qui les met à 600 livres pièce en moyenne. D’autre part, en 1743, à la Guadeloupe, on paie 1.100 livres ceux qui ne sont « ni les plus jeunes, ni les plus beaux[3]. »