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fumée. Le capitaine, étant descendu à terre, annonce son intention de faire la traite au son d’une espèce de tambour appelé gongon[1]. Mais il ne peut pas commencer avant de payer « les droits du roi[2] ». Ces droits sont les coutumes[3], qui parfois sont assez élevées. Ainsi, « à Juda, il faut payer au roi des Dahomets la valeur de 19 captifs pour un navire à trois mâts et de 14 pour ceux à deux mâts ». C’est de 4 à 5 %. En retour, le roi offre 3 petites négrittes pour un navire à trois mâts et 2 pour un navire à deux mâts, ce qui est une médiocre compensation. Dans les instructions ministérielles, il est fréquemment question de ces coutumes, et il est recommandé surtout de ne pas céder aux exigences des rois nègres qui tendent sans cesse à les faire augmenter. De plus, on spécifie qu’il faut éviter de laisser s’établir une confusion dans leur esprit entre les présents que leur envoie Sa Majesté à titre gracieux et les coutumes qui sont considérées comme un droit. Le roi de France se réserve de n’accorder de faveurs qu’à ceux qui traitent bien les Français[4].

On est bien obligé de compter aussi avec les intermédiaires. À Juda, c’est le yavogand. L’usage est de lui donner une pièce de soierie, un chapeau brodé d’or fin et à plumet, un quart de bœuf salé et un quart de farine. De plus, on lui paye une ancre (ou 20 pintes) d’eau-de-vie et une once de bouges ou cauris[5], équivalant à 16 écus, pour la location d’une baraque au bord de la mer. Naturellement, on ne peut manquer de faire quelques présents au résident ou gouverneur, et même on lui rembourse « les frais de réception ».

  1. Arch. Col., F. 61. De l’ordre et des usages, etc.
  2. Ib., F, 128. Weuves.
  3. Ib., F. 61. Instructions pour le commerce de la côte d’Or d’après un voyage fait en 1783.
  4. Cf. Arch. Col., B38, p. 57. Lettre de M. de Lusançay. accompagnant un présent pour le roi de Juda, 7 novembre 1716. — Ib., 549. Instructions du Conseil de Marine au sieur Bouchel, directeur du fort et comptoir de Juda. 10 octobre l716. — B, 198, Juda. p. 3. Lettre à M. Gourg. 14 février 1788. — Ib., 27. Lettre au même.
  5. Ce sont de petites coquilles venant des Maldives ; c’est le cyprea moneta des naturalistes. On enfilait ces coquillages par tocques. Voir p. 99.