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dans la mer[1] », en parliculier au Sénégal. C’est plus sûr, en cas de contestation avec les vendeurs. Mais, la plupart du temps, force est de séjourner à la côte pour attendre les arrivées d’esclaves qui, de courtier en courtier, sont parfois amenés des contrées les plus éloignées de l’intérieur. Ces courtiers étaient, en général, des naturels du pays ; il y en avait qui élevaient des esclaves et en tenaient magasin pour les vendre ensuite plus cher ou être toujours approvisionnés[2]. Qui ne voit par l’imagination ces caravanes de noirs si souvent décrites ? Hommes ou femmes, chacun porte sa fourche de bois rivée autour du cou ; le manche est attaché sur l’épaule de celui qui précède ; le conducteur tient l’extrémité de la fourche du premier. Le fouet ou le bâton stimule de temps en temps les paresseux. Pour la nuit, on attache simplement les bras de chaque esclave sur le manche de la fourche[3]. Les moyens de s’assurer d’eux sont d’ailleurs variés. Par exemple, un employé de la Compagnie des Indes[4] parle d’une caravane de 2 à 300 captifs qui avaient trente jours de marche à faire ; on les avait enchaînés par bandes de 4 à 12, et on les contraignait à porter une pierre de 40 à 50 livres pour que la fatigue les empêchât de s’enfuir. Si on amène les esclaves en troupeau, on leur engage ordinairement « un poignet dans une pièce de bois, qu’ils sont obligés de porter ou sur leur tête ou de la manière qui leur est le plus commode[5] ».

Les naturels, lorsqu’ils ont des esclaves à vendre, le signifient en général par des feux. Alors les navires envoient des bateaux sur les points de la côte où ils aperçoivent de la

  1. Arch. Col., F, 72. Instructions à Repentigny, gouverneur du Sénégal, 18 novembre 1783.
  2. Clarkson, op. cit., p. 31. Cf. p. 13 : il parle d’esclaves venant de 300 et même de 1.200 milles. — Cf. Arch. Col., F, 128. Interrogatoires de Weuves et de Knox.
  3. Cf. Encycl. méthod., loc. cit.
  4. Walckenaër, V, 28, 29. Voyage de Pruneau de Pommegorge en Nigritie, de 1743 à 1765. L’auteur publia son ouvrage en 1789 : Description de la Nigritie, in-8o. C’est un recueil de fragments sans ordre.
  5. Clarkson, op. cit., p. 17.