Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Tels sont donc ces malheureux que la cupidité des Européens va exploiter comme des bêtes de somme. Un des arguments que l’on a fait valoir souvent pour excuser la traite, c’est que les noirs qu’on exportait d’Afrique avaient déjà été réduits en esclavage dans leur pays et que, dans nos colonies, leur sort était certainement devenu moins misérable qu’il n’aurait continué de l’être chez eux. D’abord cette affirmation resterait à démontrer ; et, en la tenant pour vraie, quel singulier motif à invoquer par des civilisés pour légitimer leur crime de lèse-humanité ! Il y a longtemps, du reste, que personne ne discute plus la question de principe. Sans doute, l’esclavage existait en Afrique, et il existe encore. Mais qui ne sait combien les Européens ont contribué à le développer ? Et, s’ils ont aujourd’hui réussi à l’extirper de ces côtes occidentales, où ils lui avaient donné une telle extension, leurs efforts restent bien impuissants dans le centre et dans l’est du continent noir.

L’origine de l’esclavage en Afrique paraît être fort ancienne[1]. Il se recrutait comme partout, au début, par des prisonniers de guerre ou des condamnés. L’ennemi qu’on ne tuait pas était gardé comme captif et servait d’ailleurs, à l’occasion, de victime dans les sacrifices, ou même, chez certaines tribus, dans des repas humains. Ceux qui étaient condamnés à l’esclavage pouvaient l’être soit pour meurtre, soit pour vol, soit pour sorcellerie, soit pour adultère, soit pour dettes[2]. La plupart du temps, il n’y avait qu’un sem-

  1. Cf. Encyclopédie méthodique. Économie politique. Diplomatie, 1786, Article Guinée. T. LX, p. 626 et sqq. Voir Arch. Col., F, 128, Enquête faite par le Comité de la Chambre des Communes en 1789, et aussi F 61, passim.
  2. Cf. Walckenaër, VIII, 457 : Nouvelle relation de quelques parties de la Guinée par le capitaine William Snelgrave. Londres, 1734, trad. fr. par Coulonger en 1733, in-12. L’auteur énumère ces différentes causes d’esclavage.