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victoire la rouge.

à sa faim, pour son premier jour de liberté.

Les gens de l’auberge l’avaient crue malade, à voir son grand corps maigre, désossé, sa figure d’une pâleur morte, avec ses petits yeux ternes sous les paupières tombantes, et qui fuyaient le regard sournoisement.

Mais quand elle eut dévoré, à pleine bouche vorace, le souper de charretier qu’elle s’était fait servir, quand on la vit s’en aller coucher, la poche gonflée du pain qu’elle avait comme dérobé, à large taillée, dans la tourte qu’on avait posée près d’elle, on la suivit d’un œil inquiet qui n’échappa point aux regards méfiants de Victoire.

Aussi, dès le lendemain, elle paya, reprit son paquet et s’en alla sans vouloir répondre et dire où elle allait.

Il y avait, du reste, comme un mutisme presque involontaire sur ses lèvres serrées l’une à l’autre, dans une sorte d’accolement habituel, qui semblait les avoir soudées. Et