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victoire la rouge.

Et elle avait des heures d’hébétement, le regard vague, fixé devant elle, dans l’immobilité de tout son corps et l’oubli du travail commencé. Puis elle se remettait subitement à l’ouvrage, dans des à-coup de fureur : contre qui ? Elle n’en savait rien. C’était le malheur qui la poursuivait. Et elle levait, et elle rabaissait le bigot ou la pioche, faisant des entailles énormes dans la terre, comme si, à force de la creuser, toujours plus bas, elle allait y cacher sa faute.

D’autres fois, elle pleurait, non pas de honte encore, mais parce qu’elle avait dû refuser son promis, le premier, le seul homme qui eût voulu d’elle pour femme. Et il s’en était allé, bien triste. Même il s’était dégoûté de la terre, maintenant qu’il ne comptait plus sur les deux bras de Victoire pour l’aider à la retourner, et il s’était fait soldat.

Elle pensait comme ils auraient été heu-