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les femmes qui tombent

— Parbleu ! À moins qu’elles n’aient les moyens de payer leur réclame comme celle-là, en face de nous : Thérèse Leroy…

— Thérèse Leroy ? C’est vrai, je la reconnais.

Après cette exclamation, madame Le Boterf se mit de trois quarts pour éviter le regard affectueux qu’une très belle jeune femme, qui paraissait aussi la reconnaître, lui adressait, timide, n’osant pas saluer.

La chanteuse reprit :

— Elle ne manque pas de talent. Mais elle s’est amourachée d’un grand barbu de poète, celui qui a fait les Occidentales

— Jean Delorme ?

— Précisément. Elle en est folle. Les trois quarts du temps, elle est sans engagement, parce que les directeurs n’aiment pas ça. Il faut qu’on cascade : ça pose ; et puis elle le fait à la Lucrèce avec eux. Ça ne prend pas. C’est une tragédienne. Certainement elle joue aussi bien que Favart : c’est son élève. Eh bien, elle joue chez Ballande, voilà.

À ce moment, la porte du cabinet reçut une poussée brusque, et Catherine Mordon se précipita dans la salle d’attente. Puis elle s’arrêta comme défaillante, et se laissa tomber sur la banquette, à côté de la jeune femme qui se nommait Thérèse Leroy. Elle suffoquait, rouge, ses paupières battaient, retenant ses larmes.

On la regardait dans la salle avec des chuchotements.