Page:Peyrebrune - Les femmes qui tombent, 1882.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
les femmes qui tombent

— Encore s’il ne m’aidait pas à la vider.

— Hein !… Ah ! mais non, par exemple.

Il se leva et s’assit au bord de la table. Maintenant le fauteuil était entre eux. Il prenait l’air maussade ; un bâillement lui venait.

Elle pensa qu’il allait la congédier les mains vides. Une anxiété passa sur sa face hautaine, un frisson des narines gonflées, une pâleur des lèvres.

Elle tourna le fauteuil et vint se planter devant lui, cambrée, provocante, s’éclairant avec art pour que la lumière tombât sur ses cheveux fauves, cette crinière ardente et crêpelée qui faisait si blanche et laiteuse sa chair où couraient des veines bleues.

Et, traînant sa voix chaude :

— Pourquoi dis-tu non, puisque je ne suis libre qu’à ce prix ?

Il répondit d’en haut :

— C’est dégoûtant.

Dans son manchon, elle déchiqueta ses gants.

Mais elle reprit, l’air calme :

— Encore une fois, vous vous trompez. Le baron est un débauché, un panier percé. Il prend dans ma bourse comme dans la sienne, parce qu’il croit à mes mensonges, parce qu’il est persuadé que ces rentrées subites, quand le coffre est à sec, proviennent de mes tripotages à la Bourse. S’il en connaissait la source, il me tuerait.

L’homme d’État eut un rire insultant. Puis, d’un geste lassé, il tira son portefeuille et demanda :