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les femmes qui tombent

Alors, d’une main, elle lui rabattit le poing qui tenait la cuiller en l’air, et, lui broyant le poignet dans ses doigts, elle répéta, les dents serrées :

— Entendez-vous, il m’a violée !

— Est-ce possible ! balbutia Le Boterf devenu blême.

Elle ajouta nettement :

— Il faut le tuer.

Le petit homme s’effondra sur sa chaise, demi-mort d’épouvante ; il bégayait :

— Comment ?…

— Avec cela, dit-elle.

Elle dégrafa son manteau qui tomba, la laissant demi-vêtue, sa robe déchirée, sa poitrine nue, ses manches arrachées. Elle tira de son corsage en lambeaux un paquet de papiers froissés, d’enveloppes parcheminées et scellées de sceaux larges, de lettres ouvertes, et jeta cela devant elle, comme elle eût fait d’un poignard, le geste violent.

Le Boterf s’était penché et regardait silencieux, ses yeux ronds, fixes et terrifiés. Bientôt un tremblement agita sa nuque. Il souleva la tête, envisagea sa femme avec une sorte d’effroi dans le regard et balbutia, la voix basse :

— Oh ! oh !… mais c’est terrible, cela… C’est son honneur que tu lui as volé !

Elle se renversa, ouvrant les bras, dévoilant sa poitrine, et s’écria dans un sanglot :

— Eh bien, et moi !…