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— Et te geler les doigts, continua Annibal grondeur.

— Oh ! c’était d’un malpropre ! déclara Manon : on n’y voyait pas. Bon Dieu ! que vous êtes donc chargés ! Attendez que je vous aide.

— C’est qu’ils étaient embarrassés et de la belle façon, les frères Colombe ! Les bras arrondis, avec des paquets jusque sous les aisselles, les mains entortillées dans des poignées de ficelle qui soutenaient d’énormes ballots enveloppés dans des papiers de toutes les couleurs, sans compter les poches gonflées qui bâillaient. Ce fut un vrai déballage. Et Manon, muette, les bras pendants, regardait cela comme si elle eût assisté à quelque féerie où tout à coup les merveilles que l’on a souhaitées surgissent d’une trappe, à portée de la main.

Cependant, Annibal paraissait confus de s’être laissé entraîner à cette débauche d’acquisitions, tandis que Scipion essayait de dissimuler une partie des siennes, se sentant coupable d’une dépense peut-être exagérée.

— Voici la robe, dit d’abord Annibal : il y a quinze mètres en grande largeur.

— C’est trop, observa Scipion qui prenait l’offensive. Manon est toute petite. Elle en fera deux, dit-il au bout d’un instant.

C’était bien ainsi que l’avait compris Annibal. Cependant il passa vite à un autre article :

— Voici la doublure et puis un coupon de drap pour un manteau…

— Moi, j’ai là une pèlerine toute faite, interrompit négligemment Scipion en déballant une mignonne mante ouatée ; mais on pourra utiliser le drap. J’ai couru au plus pressé : ainsi voilà des jupes, des bas…

— Et des bottines, poursuivit Annibal.

— Des pantoufles fourrées pour la maison…

— Un tablier…

— Des gants…

— Un fichu…