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soupirs très gros de l’enfant ; les frères Colombe, anxieux, se regardaient. Annibal recommença :

— Où voudras-tu qu’on te ramène ?

Elle murmura :

— Je ne sais pas : je n’ai pas de maison…

Et puis, reprenant courage, elle finit par tout dire.

Son père, un ouvrier de village, était venu tenter la fortune à Paris. Peu de temps après, il mourut. La mère avait travaillé tant et tant qu’elle avait pris du mal, un mal très long qui emporta toutes les économies. Brin à brin, on vendait chaque jour. On finit par aller se loger en garni, dans un grenier : c’est là que sa mère était morte. Maintenant, elle ne savait plus que devenir : le logeur l’avait mise à la porte la veille.

— Tu n’as donc pas de parents, personne ? demanda Scipion déjà intervenant.

— Je ne sais pas ; je ne l’ai pas entendu dire à maman.

— Mais de quel pays étiez-vous ?

— Du Périgord.

— Tu dis ? s’écria Annibal.

Elle eut peur et protesta :

— Bien vrai, monsieur ; des environs de Saint-Apre ; mais vous ne connaissez pas…

Scipion était revenu s’accroupir devant elle, assis sur ses talons, la face rayonnante.

— Mais si, nous connaissons ; et toi, connais-tu Ligueux ?

— Bien sûr, dit-elle étonnée ; c’est là que l’on va en pèlerinage à Saint-Siméon.

— Eh bien, nous en sommes, nous.

— Oh ! comme ça se trouve ! dit-elle en riant, les paupières encore trempées.

— Oui, et nous devons te protéger, puisque tu es notre compatriote. N’est-ce pas, Annibal ?