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jeune duc de M…y, en deuil galant de la pauvre actrice russe morte pour lui, du regretté général P…, le grand maître des cérémonies de la Présidence, de M. B…t, le spirituel chroniqueur du F…, et de divers autres seigneurs non moins illustres, et enfin d’une dame fort belle, blonde, la poitrine écartelée, comme un blason, de diamants admirables, qu’il nous présenta comme la mystérieuse fille d’un grand prince vénitien, riche à millions.

Toutefois cette princesse, pour des raisons d’Etat, portait un nom… d’oiseau.

Dès qu’elle parut, on n’eut d’yeux que pour elle.

Vous pensez si je me faisais toute petite dans ma modeste robe noire en dentelles de Cambrai, à peine entrebâillée, juste pour les convenances, et sans une perle, ni une agrafe, ni une fleur. Mais je ne me sentais pas d’aise. L’ambassadeur m’avait offert le bras ; j’étais placée à sa gauche, et ma gauche frôlait le mélancolique jeune duc…

Je crois bien que celui-ci me dit quelques impertinences à propos de mes livres, notamment une, que mon confrère du F…, releva.

— Est-ce que vos romans se vendent bien ?

— Pas encore.

— Cela viendra.

— Je l’espère.

— Evidemment, les femmes ne demandent qu’à être achetées.

Et il daigna sourire. J’étranglais. Les mots que je voulais dire me restaient dans la gorge. Mais M. B… un peu sèchement :

— Je crois que vous vous trompez, mon cher duc ; les femmes quine demandent qu’à être achetées ne cherchent pas à vendre leurs œuvres ; elles n’en font point.