Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/81

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle avait dans la tête, mais rien du tout de ce qu’elle avait dans le cœur.

Pour Sylvère, la porte à peine refermée derrière José de Meyrac, elle ramassa follement sa traîne et courut vers Janie.

— Quel bonheur !… Quel bonheur !… criait-elle.

— Eh bien ! quoi qu’il y a donc ? marmotta la vieille femme, tout émue.

— Il y a… il y a que j’ai un ami, un vrai, un sincère ami !

— Heu !… un qui ne demande rien ? C’est un oiseau rare, ma petite madame, prenez garde encore à celui-ci !

— Oh ! non ! Il y a donc encore des honnêtes gens de par le monde ! Celui-ci est un doux et fier esprit que révoltent toutes les injustices. Je suis pour lui, non pas même une femme, mais une cause, une cause intéressante, et il me défendra avec la même ardeur qu’il apporte à soutenir ses convictions politiques. Cette cause : la femme honnête qui veut gagner sa vie par les moyens dont elle dispose, quels qu’ils soient, et sans être obligée de subir les hontes, les ignominies des marchés qu’on lui propose pour lui permettre de prendre sa place parmi les travailleurs.

Il les connaît toutes ces turpitudes ; et les actrices qui paient de leurs corps leurs rôles et leurs costumes, et les ouvrières qui subissent l’odieuse loi des patrons, et toute cette ignoble exploitation de la femme pauvre qu’on ne laisse vivre que si elle consent à être souillée.

Je m’indignais de toutes les propositions que j’ai dû entendre ; mais ce n’est pas une exception, c’est la règle, c’est l’usage. « Donnant, donnant » comme me disait cet usurier auquel on m’avait adressée pour un emprunt, quand je lui demandai quelle garantie il