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cheuse de crevettes, le filet sur l’épaule, le bonnet de coton sur l’oreille, la petite bonne femme de carton, fraîche comme une buveuse de cidre, lorsqu’il tressaillit, ayant deviné, plutôt qu’entendu, venir Sylvère.

Et il oubliait de saluer, demeurant surpris, peut-être ému, certainement curieux de la grave et douce personne qui s’avançait avec une lenteur timide, longue et mince dans le serpentement noir de sa robe collante à traîne étroite.

Le regard inquiet de Sylvère s’était vite éclairci, en apercevant l’embarras admiratif et respectueux du jeune homme. Elle se rassurait, abandonnait son instinctive méfiance ; une sympathie, tout à coup révélée, comme dans la reconnaissance spontanée d’un allié, d’un ami retrouvé, la transforma. De rigide, elle devint gracieuse, souriante, et, s’approchant, le pas vif, elle tendit à Meyrac ses deux mains.

— Ah ! monsieur, comme votre lettre m’a fait plaisir, et combien je vous remercie !

— Vraiment ! dit-il, déjà charmé, vous devez être cependant blasée sur les admirations et les enthousiasmes que votre talent vous attire.

— Pas encore, dit-elle. On les épargne si bien à ma modestie !

— Alors, c’est que vous refusez de les entendre…

— Peut-être.

— Et pourquoi ?

— Un peu parce que je suis très maladroite à les accueillir et que je me dérobe souvent dès le premier mot, et beaucoup parce que je vis très retirée et ne m’expose guère à rencontrer des admirateurs.

— Ce sont eux qui s’en plaignent. Mais, en effet, on ne vous voit nulle part. Je vous ai cherchée longtemps