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Dès lors, le Parclet, criblé d’hypothèques, — il fallait vivre, n’est-ce pas ? — fut vendu. Les dettes payées, Sylvère ramassa les débris de cette petite fortune et vint à Paris avec son enfant…

— Et le mari ?

— Il lui fallait gagner leur vie, continua d’Harssay, sans paraître avoir entendu ; car les quelques mille francs qui lui restaient ne pouvaient suffire à procurer une rente, même médiocre, mais tout au plus à permettre d’attendre. Sylvère n’avait aucun métier dans ses jolis doigts. Mais elle tenait de sa mère une remarquable poésie de style, et, de ses propres études, accomplies pour se distraire, dans sa solitude du Parclet, une connaissance assez approfondie de l’histoire, de la philosophie et de la littérature du siècle. Elle songea donc à écrire.

D’ailleurs, un instinct, un besoin la poussaient à se vider le cœur, comme elle disait, des rêves accumulés, des désirs jamais éclos, des sensations longuement recueillies. Tout un bagage qui pouvait lui servir pour entreprendre un voyage d’imagination. Je lui conseillai de faire un roman, ou, plutôt, pour commencer, une nouvelle. L’inspiration vient d’elle-même, mais le métier s’apprend. Pour que le don naturel devienne un talent, il faut qu’il s’exerce.

Courageuse, elle me répondit :

— Je travaillerai.

— Et elle a joliment profité de vos leçons, interrompit de Meyrac.

— De mes conseils, répondit modestement le poète, car Sylvère est douée d’un véritable tempérament d’écrivain. Et ce qu’il y a de bizarre, au fond, c’est que cette petite sauvage, trop chaste, est une passionnée, une nerveuse, une sensorielle. De là, cette