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parfums. Et dans le grand ciel bleu la lune d’or monta. Lune d’or, lune de miel !




En 188…, la Revue des Universités possédait, rue Jacob, un vieil hôtel, triste et froid, médiocrement égayé d’ailleurs par la rédaction sérieuse et un peu gourmée de cette Revue antique, savante et hebdomadaire, qui traitait de sujets graves, d’une politique modérée, tout à fait couleur du Vieux-Monde. Ces deux publications semblaient marcher de pair, et l’on eût dit, fréquemment, que Turmal dirigeait la Revue et que de Labut inspirait le journal.

Toutefois, les deux directeurs, un peu rivaux au fond, affables à la surface, se coudoyaient fort peu dans la vie privée. D’abord Turmal était marié et de Labut garçon. L’hôtel de Turmal s’ouvrait pour des réceptions artistiques et mondaines, celui de Labut demeurait clos un peu mystérieusement. Le directeur du Vieux-Monde vivait en famille, celui de la Revue des Universités vivait, disait-on, dans la famille des autres, comme l’oiseau du printemps ; mais sous le couvert d’une grave et austère « respectabilité ».

L’hôtel de la rue Jacob fleurait l’encens, on y parlait bas, on y marchait bas, on ne fumait que dans les coins, en se cachant. Le seul endroit gai — relativement — était le cabinet, un salon haut et vaste, du secrétaire de la rédaction, M. Jacques. Celui-ci, d’une figure fraîche et poupine, avec de beaux yeux clairs, d’une honnêteté candide, d’un accueil toujours gracieux, retenait souvent près de lui les visiteurs, les solliciteurs qui, de là, passaient, comme à confesse, tout bas et presque émus, un à un, dans le bureau de Labut. Quelquefois, dans ses bons jours, le