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comme des chanteurs ambulants avant la quête. Des parterres fleuris s’épand la gourmande senteur des héliotropes et l’encens voluptueux des dernières roses safranées qui fleurent l’ambre des jeunes chairs.

Le roucoulement lointain des colombes semble être un chœur de vierges pleurant sur une de leurs sœurs, morte. Lui pense :

— C’est dommage, elle est gentille cette petite Sylvère, mais un glaçon !… A peine formée, une gorge d’enfant, et une innocence ridicule ! C’est pas une femme ça ! Elle n’aura jamais de tempérament. Elle m’adore cependant !… Mais ce n’est pas ça, pas ça !… J’espérais mieux !… Il n’y a encore que les femmes qui connaissent l’amour. Si celle-là voulait se réveiller, parbleu ! je ne dis pas !… On verra !…

L’aïeule pense :

— Pourquoi l’ai-je entendue, toute la nuit, réciter son chapelet à haute voix ? Oh ! ces Ave Maria ce qu’ils m’ont brûlé goutte à goutte le cœur !… Un moment elle a dit : « Demain je serai morte, sans doute, je veux que l’on m’enterre dans ma robe blanche avec ma couronne et mon voile !… » Oh ! mon enfant ! Et lui riait !… le monstre ! l’idiot !… Qu’ai-je fait, mon Dieu, de ma belle innocente vierge ? A qui l’ai-je livrée ?… Oh !… vingt fois j’ai failli me jeter sur cette porte, devant laquelle, agenouillée, je râlais, et la lui reprendre, ma fille, l’emporter !… Oui, j’aurais dû… mais je me suis évanouie quand je l’ai entendue crier : « Grand’mère, oh ! grand’mère !… »

Je n’ose pas la regarder, ce matin : ses yeux, ses doux yeux, si douloureusement surpris, me poignardent…

Sylvère pense :

— Je ne comprends pas Loulou ; non, je ne la com-