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lèvres d’un archange. Les têtes se retournent cherchant la chanteuse cachée par l’harmonium ; toutes ces têtes de Bretonnes coiffées de blanches ailes inégales que leur mouvement d’ensemble vers le même point fait ressembler au déplacement des voiles d’une flottille par une saute de vent.

Cependant Sylvère est troublée par la tristesse, on dirait prophétique, de cet étrange chant nuptial, que lui envoie d’en haut, comme si elle était déjà partie pour le paradis de ses rêves, son amie Emmeline Denauve.

C’est fini : dans la petite sacristie pauvre, sur ses dalles brisées entre lesquelles l’herbe pousse, Sylvère est menée par son mari. Grand’mère la suit, qui, silencieusement, l’étreint, l’embrasse, soupire et pleure. Puis la nouvelle mariée tend ses joues pales au becquettement rieur des jeunes filles qui l’entourent et l’étourdissent d’un ramage d’oiselles grisées. Les invités défilent. Quelques hommes s’emparent du docteur Maurine et le félicitent avec des poignées de mains nerveuses.

Un moment les deux époux sont séparés. Alors une fillette, entrée sournoisement dans la sacristie, se glisse près de Sylvère, la tire, la retourne vers elle et se jette dans ses bras.

— Loulou !…

— Oui, moi ! Tu ne m’attendais pas ? Oh ! Sylvère ! Sylvère ! quelle bêtise tu viens de faire !

— Tais-toi, Louise, je te défends…

— Oh ! c’est inutile. Je ne dirai plus rien, puisque tout est fini ; mais toi, tu t’es bien mal conduite avec nous… Répondre à ma lettre par la lettre de faire part de ton mariage !…

— Je n’avais rien autre à y répondre.