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des cires embaumées ou comme des perles d’encens.

Le verso de chaque feuille demeurait blanc.

Sylvère pensa :

— Si je laissais là parler mon cœur ? Ne serait-ce pas comme si je me confessais à leurs genoux ? Je ne puis pas tout dire à grand’mère ! Je n’ose pas, mais il me semble que j’oserais lui confier bien des choses, à elle ! celle que je n’ai jamais pu appeler : maman !


Et sur le premier verso :

« 14 août. Demain. C’est demain !

« Je voudrais me recueillir, faire une retraite, comme la veille de ma première communion ; on ne m’en laisse pas le temps. Cela me trouble de m’en aller ainsi, à l’étourdie, vers cet avenir mystérieux qui commence demain ! Cependant il me semble que j’ai moins peur : sainte Anne doit m’avoir exaucée.

« D’ailleurs que peut-il m’arriver de si terrible ? Jules a l’air bon. Je me suis accoutumée à sa présence.

« Il me suit pas à pas dans la maison, comme un brave chien. Il me récite une interminable litanie de choses douces, tendres, qui, peu à peu, me gagnent le cœur. J’ai remarqué que le tremblement de ses mains, lorsqu’il est parvenu à emprisonner l’une des miennes, me communique une émotion singulière, que je ne m’explique pas, que jamais encore je n’avais ressentie.

« Et cependant — je ne comprends pas pourquoi — il me semble que lorsque M. Paul passait sur la terrasse, je ressentais, par les yeux, un peu comme un commencement d’une émotion semblable. Cela ressemble à une défaillance qui ne s’achève pas et qui gonfle le cœur d’un désir indéfini.

« Il paraît que je suis devenue très pâle, le jour du contrat, où, pour la première fois, il m’a embrassée.