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étourderie, et que tu peux te fier à elle, bien qu’elle compte deux années de moins que toi. Mes seize ans sont plus éveillés que tes dix-huit, soit dit sans t’offenser, et je sais, de la vie, bien des choses que tu ignores. Voilà ce que c’est que d’avoir un grand frère de vingt et un ans !

« Tu ne diras pas que je néglige l’art des transitions. M’y voici enfin arrivée à ce grand frère, car je ne t’écris que pour te parler de lui. Depuis que le bruit de ton mariage s’est répandu, il en a la tête à l’envers. Enfin, ma petite Sylvère, allons-y carrément ; Paul t’aime. Voilà le grand mot lâché.

« Tu devais bien t’en douter un peu ! Tu n’ignores point qu’il faisait tous les jours, par tous les temps, une vingtaine de kilomètres, voyage qui se bornait à contourner ta terrasse, vers l’heure à laquelle tu t’y promenais. La régularité ponctuelle de cet itinéraire n’a pas laissé que de t’édifier, je le crois et je l’espère. Et puisque, sans reproche, tu te rencontrais là, exactement à l’heure où il passait, n’est-il pas permis de conclure — à ceux qui désirent vivement cette conclusion — que tu n’assistais pas avec déplaisir à ce quotidien pèlerinage ?

« Si tu étais une jeune fille comme les autres, ma belle amie, je te dirais même que ta conduite en cette affaire s’appelle en bon français « donner des espérances ». Ne bondis pas, nous connaissons ta parfaite innocence. Ce discours tend seulement à essayer de te prouver, à toi-même, ce point important, à savoir que Paul Ruper ne t’est pas indifférent. Et je recommence : est-il possible, dans ce cas, que tu épouses le Dr Maurine ? Paul s’imagine que tu es contrainte par ta grand’mère. Est-ce vrai ?

« Si oui, avoue-le et il tue le docteur. Oh ! il n’y va