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— Oui, grand’mère. Surtout, oh ! par-dessus tout, pour avoir des enfants.

— Ah ! bon. Et… pas du tout, du tout pour le plaisir d’être… aimée par ton mari.

— Et s’il ne m’aime pas, grand’mère ?

— Jour de Dieu ! Il serait bien difficile !

— Mais cela peut arriver, et il est inutile que j’espère une chose qui peut me manquer. J’en souffrirais ensuite.

— Fort bien, mademoiselle Raison. Alors, tu accepteras un mari sans lui demander d’amour et sans en éprouver toi-même !…

— Oh ! moi !

— Plaît-il ?

— Je veux dire que si j’épouse un honnête homme, intelligent et bon, je ne pourrai manquer d’avoir de l’affection pour lui.

— De l’affection… sans doute, sans doute, ma fillette ; mais il existe, vois-tu, certaine sympathie qu’il n’est pas mauvais de ressentir l’un pour l’autre lorsqu’on se marie.

— Eh ! oui, grand’mère, c’est ce que je dis.

— Mais non ! grande sainte Anne ! Tu ne me comprends pas ! Que c’est donc difficile d’éduquer les filles ! De mon temps, cependant !… Enfin ! c’est ma faute aussi ma petite Sylvère ; je t’ai élevée comme une sauvage, loin du monde et des fréquentations… et tu ne sais rien de rien de ce qu’il faudrait pourtant que tu pressentisses ayant de t’embarquer dans une union qui… Voyons, comprends-moi. Mais, jarnibleu, quand j’avais ton âge, je m’étais bâti tout un roman sur le mari que j’attendais. Je le rêvais comme ceci, comme cela ! Je ne me souviens plus, moi ! mais enfin je lui voulais les cheveux de cette couleur et les yeux de cette façon et le nez comme ceci…