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ne le veux pas ! Comme c’est laid d’être morte ! Je me fais horreur déjà !

Et je pourrais vivre, et sentir, sur mes mains voluptueusement parfumées, couler le frisson d’une haleine ! Ma taille ploierait, et je respirerais largement, ma poitrine nue, offerte, comme un bouquet, à la pâmoison d’une bouche amoureuse… Mes bras, mes bras qui n’ont jamais étreint, oh ! comme ils se replieraient, tenaces, pour ne plus se rouvrir de longtemps, longtemps !… Dieu ! que cela fait mal, ce besoin de vivre !…

. . . . . . . . . . . . . . .

— On sonne ! il est neuf heures. Qui peut venir ?… si c’était toi, Louise ? Ah ! non, je ne t’ouvrirai pas… Encore !… mon cœur bat à éclater. Qui donc passe sur mon chemin à cette heure définitive ?…

Il me semble que c’est le Destin.

J’éprouve une peur et une joie ensemble qui m’étouffent. Je n’attends personne. Personne maintenant ne peut venir.

On sonne ! Cela fait trois fois. Maintenant, on va s’en aller ; et ce sera fini. C’est le dernier bruit humain que j’aurai entendu.

Qui que tu sois, toi, qui viens, par hasard sans doute, de retarder de quelques instants le moment cruel, sois béni pour l’éclair d’inconsciente espérance que tu m’as donné. Je préfère t’ignorer. Je vais penser à toi, en mourant ; et je te verrai beau comme l’amour qu’on rêve !

. . . . . . . . . . . . . . .

Plus rien ! ah ! malheureuse, qu’as-tu fait ?… Pourquoi ne t’es-tu pas précipitée sur cette porte derrière laquelle peut-être se dressait ton bonheur à venir ? Qui sait si Dieu, touché de ta misère, ne t’envoyait pas, à cette minute suprême, celui qui devait te sauver ?…