Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée

Peut-être serai-je morte ce soir. Cette main, qui se meut, brûlante et crispée, sera rigide et plus glacée qu’un tronçon de marbre. Ces yeux qui pleurent seront ternes comme une vitre embuée, fixés, très ouverts peut-être, sur l’entrevision suprême d’un au-delà ?

Et cet « au-delà » quel est-il ? Car il est. On le sent bien quand on en est tout proche. Où sera mon âme demain ?

Et pour cela encore, j’ai peur. Car, ai-je bien le droit de quitter volontairement cette vie, en laquelle je suis mystérieusement entrée pour un but inconnu ?

. . . . . . . . . . . . . . .

Ne vais-je pas, encore une fois, me tromper de route ? Mon devoir, ce devoir dont j’entrevoyais, au début de ma vie, l’obligation sacrée, ne s’est-il pas obscurci derrière le trouble de ma conscience. Où le chercher ? Où est-il ? Qui me le dira ?

J’écoute ; et je n’entends rien que la palpitation de mon être. La voix la plus haute vient de mon corps qui demande à vivre. Si je l’écoute, j’obéis à l’instinct. Devons-nous céder à nos instincts ? Mais alors, la morale vraie serait : tout pour la vie ! Ou plutôt : résignation et obéissance à l’œuvre éternelle.

. . . . . . . . . . . . . . .

Je me débats.

Où serai-je demain ?

Dans tous les cas, lorsque tu liras ceci, ma chère Louise, l’une ou l’autre résolution m’aura pour jamais emportée loin de toi.

Sois heureuse, toi, qui, favorisée d’ailleurs par la fortune, — laquelle est, après tout, l’unique palladium de la femme qui veut rester pure, — as su conduire adroitement ta barque vers le point sur lequel, au départ, tu avais mis le cap : le bonheur.